
Twitch, la plateforme pour converser sans filtre avec son audience
Chaque trimestre, plus d’un milliard d’heures de vidéos sont regardées sur la plateforme de streaming Twitch.
Chaque trimestre, plus d’un milliard d’heures de vidéos sont regardées sur la plateforme de streaming Twitch. L’opportunité pour les marques de toucher la tranche des 13-35 ans, qui représente 67% de l’audience. Décryptage du phénomène avec Florent Derue, responsable éditorial de Domingo TV et de l’émission Popcorn (250 000 viewers chaque semaine, et plusieurs millions de vues en replay).
Quelle est la spécificité de Twitch par rapport aux autres plateformes ?
F.D : Le live et l’interactivité qu’elle offre ! Le « Just chat in » se démarque d’ailleurs comme la catégorie qui fonctionne le mieux. Ce n’est rien de plus qu’une conversation : une personne répond à des questions posées sur une messagerie. La plupart des personnes qui vont sur Twitch recherchent cette interactivité. C’est un aspect que l’on ne retrouve pas dans les médias traditionnels. Avec sa revue de presse animée chaque matin sur Twitch, Samuel Etienne échange ainsi en direct avec plus de 15 000 personnes.
Quel est le public présent sur cette plateforme ?
F.D : Il s’étend de plus en plus, bien au-delà des 15-35 ans. Pendant longtemps, l’univers était très masculin, car très lié à l’univers des jeux vidéo. Mais la plateforme a fait des efforts pour faciliter la diversification de contenu. Au fil du temps, de nouveaux thèmes sont apparus : l’art, la musique, la politique, le sport. Du coup, une démocratisation est à l’œuvre et des personnalités féminines émergent. Il n’y a pas que la TV pour regarder un talk-show.
Pourquoi les marques devraient-elles y aller ?
F.D : Pour son audience, de jeunes adultes connectés en majorité, et pour l’interactivité unique qui s’y trouve. Mais attention : il faut respecter certains codes pour ne pas être vu comme opportuniste. Sur Twitch, les personnes ont des attentes fortes, elles veulent un contenu authentique. Impossible de berner la communauté car le retour de bâton est instantané avec le chat. Le contenu éditorial se construit et s’affine quasiment en temps réel. Il faut être à la hauteur.
Quels sont les codes à respecter face à cette audience exigeante ?
F.D : Il y a un certain ton à adopter. Il faut instaurer une proximité : le tutoiement est de rigueur pour s’adresser directement aux internautes, il n’y a pas de « cut » possible. Il faut également éviter les discours trop lisses ou trop commerciaux. France Télévisions l’a bien compris en lançant son émission pour répondre aux questions sur les vaccins. Pourtant ce n’était pas gagné ! Quand Samuel Etienne a annoncé ce rendez-vous lors d’une émission de Popcorn il y a quelques semaines, beaucoup d’internautes ont rétorqué qu’ils ne voulaient pas de médias traditionnels. Mais finalement, ça a fonctionné, car ils ont bien respecté les codes en mettant en avant les questions des internautes, la participation a été très active.
Comment les annonceurs prennent leur place sur le réseau ?
F.D : Progressivement. Sur Popcorn, nous avons des marques en cohérence avec notre ligne éditoriale : Domino’s pizza, Pringles, Amazon Prime Student… Elles apparaissent en placement produit, sponsoring de chronique ou en insertion plus classique mais toujours en respectant la charte graphique de l’émission pour ne pas être intrusif. Ces placements produits sont vus positivement par l’audience, car elle a conscience qu’un talk-show coûte cher à produire. Sur Popcorn par exemple, nous sommes 7 à temps plein, sans compter les techniciens sur place le jour du direct. Il y a aussi des prises de paroles de marques plus directes, comme une émission sur Domingo où on assistait à une séance shopping d’une heure durant laquelle la marque de vêtements Ralph Lauren faisait gagner des produits en direct dans le chat.
Quel exemple marquant de contenu natif de la part d’entreprise ?
F.D : L’école informatique Epitech a lancé récemment une revue de presse sur l’actualité technologique. Cela fait plusieurs fois que je vois ce stream. C’est tout petit mais cela colle bien aux intérêts de leur cible.
Quel conseil donneriez-vous à une marque qui veut y aller mais à petits pas ?
F.D : La bonne idée est de s’allier avec un streamer. C’est délicat de se lancer sur Twitch en partant de zéro. « Driver » une audience sur une chaîne peut s’avérer vite compliquée (la gestion du chat, de la cross-plateform…) Faire un partenariat avec un streamer reste le plus répandu et le plus facile. En cherchant bien, il est possible d’en trouver sur toutes les thématiques. Dernièrement, avec le succès de la série « Le jeu de la dame », il y a eu un boom des streamers qui jouent aux échecs. Ainsi, Hikaru rassemble plus de 40 000 personnes les soirs où il joue. Twitch est la plateforme où se retrouvent les sujets porteurs et les tendances sociétales.
Propos recueillis par Maeva Melano-Costamagna