Quitter X : quelles stratégies pour les marques et les institutions publiques ?

Par Camille Nagyos, Directeur associé (Ultramedia)

Le 20 janvier 2025 a marqué une rupture majeure dans le paysage des réseaux sociaux et un tournant historique pour la communication digitale : le départ en masse d’institutions publiques, de médias et de grandes entreprises de X (ex-Twitter). Une décision lourde de conséquences révélant une tendance de fond dans la gestion des prises de parole digitales.

À l’origine de cette fuite : un cocktail explosif mêlant la réélection de Donald Trump, les choix controversés d’Elon Musk en matière de modération des contenus et une évolution du modèle économique de la plateforme. Ce départ collectif s’inscrit dans un double mouvement, à la fois militant et stratégique, visant à affirmer des valeurs tout en repensant les canaux de communication digitale.

Quitter X : un acte militant ou un impératif stratégique ?

Le retrait de X ne se limite pas à la simple désertion technique d’un réseau. Pour les institutions et les marques engagées dans cette voie, c’est une posture assumée, une prise de distance avec une plateforme perçue comme un terrain de jeu de la désinformation et des discours haineux.
Car quitter X n’est aujourd’hui pas anodin, c’est un acte politique qui envoie un signal fort à l’audience. Un constat partagé par de nombreux acteurs institutionnels comme l’AP-HP, l’École Polytechnique ou encore plusieurs Conseils régionaux en France, qui ont décidé de suspendre ou de rediriger leur communication vers d’autres plateformes.

Parmi les arguments avancés :

  1. Une modération défaillante, exposant les marques à des contenus sensibles ou polémiques.
  2. Un virage payant, complexifiant l’accès aux audiences et aux fonctionnalités de visibilité.
  3. Un environnement jugé instable, marqué par des décisions erratiques et une gouvernance imprévisible.

Face à ces enjeux, la communication publique et corporate doit désormais composer avec une donne inédite : comment maintenir une présence numérique efficace en l’absence de ce canal historique ?

Vers un éclatement des stratégies de communication digitale ?


Si X occupait une place de choix dans les stratégies de communication, son abandon impose de redéfinir les plateformes prioritaires. Trois tendances émergent :

  1. Le repositionnement sur des réseaux alternatifs
    
Mastodon et Bluesky s’affirment comme des refuges pour les adeptes du microblogging. Mastodon, apprécié pour son modèle décentralisé et sa modération communautaire, séduit les institutions publiques soucieuses d’une communication plus contrôlée. Bluesky, créé par l’ancien fondateur de Twitter, attire les médias et les acteurs innovants.
     
  2. Le renforcement des présences sur les plateformes établies
    LinkedIn pour la communication B2B et institutionnelle, Instagram et Facebook pour la cible grand public, et TikTok pour une approche plus engageante : ces plateformes offrent des environnements plus stables et des formats adaptés aux nouvelles attentes des audiences.
     
  3. La création d’espaces propriétaires

    De nombreuses entreprises repensent leur stratégie en misant sur leurs propres canaux : newsletters, blogs, podcasts et plateformes communautaires. Une manière de regagner en maîtrise sur les discours et de sécuriser les interactions avec leur audience.

Quelle feuille de route pour les communicants ?


Alors que l’abandon de X s’opère en cascade, les experts en communication doivent orchestrer cette transition avec méthode :

  1. Assurer une présence minimale sur X pour conserver un accès à la veille et éviter l’usurpation d’identité.
  2. Communiquer de manière transparente sur les nouveaux canaux en expliquant les raisons du retrait.
  3. Tester différentes alternatives avant d’adopter un réseau de substitution définitif.
  4. Accompagner les audiences dans ce changement via des campagnes pédagogiques et des actions de transfert de communauté.

La question centrale reste celle de la résilience de ces nouvelles stratégies : X survivra-t-il à cette désertion, ou verra-t-on l’émergence d’un nouvel écosystème digital plus fragmenté mais aussi plus maîtrisé ? Une certitude demeure : en 2025, la communication digitale entre dans une nouvelle ère, où le choix des plateformes devient un véritable acte d’engagement.

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