Singularité éditoriale : la clé de la préférence de marque dans un monde saturé de contenus

Par Thomas Nardone, Directeur associé (Ultramedia)

Dans un monde saturé de contenus clonés, trop de marques se battent encore à coup de volumes, croyant qu’il suffit de publier plus pour exister. Or, prendre la parole régulièrement est nécessaire pour émerger, mais pas suffisant : sans identité claire, les messages finissent par se confondre, s’évanouir dans le flux, et les audiences ne retiennent rien.

Des audiences noyées sous une avalanche de contenus

Il faut dire que jamais autant de contenus n’ont été publiés dans l’histoire de l’humanité. Chaque jour, ce sont 7,5 millions d’articles de blog qui paraissent dans le monde (Internet Live Stats, 2024). Les réseaux sociaux accentuent encore cette infobésité : 500 millions de tweets quotidiens sur X, 100 millions de photos et vidéos partagées sur Instagram (Statista, 2024), plus de 1 milliard d’heures de vidéos visionnées sur YouTube chaque jour (Google, 2024).

Le corollaire de ce déferlement ? D’abord un épuisement moral :  54% des Français se disent fatigués par l’information (étude Fondation Jean Jaurès, 2024). Et 85% d’entre eux dénoncent la répétition des mêmes contenus.

Deuxième conséquence : l’attention se fragmente et se raréfie. Selon une étude Microsoft de 2015 déjà abondamment reprise, la durée moyenne d’attention est passée de 12 secondes en 2000 à seulement 8 secondes… soit moins que celle d’un poisson rouge.

Face à cette saturation, les marques ne peuvent plus se contenter de monitorer leur « présence ». Publier sans boussole éditoriale revient à murmurer dans le vacarme général. La véritable différence vient de leur capacité à parler juste. Juste, c’est-à-dire avec une voix singulière, crédible, capable d’incarner une promesse claire. 

Transformer un flux de publication en un récit de marque unique

La singularité éditoriale, c’est la capacité d’une marque à exprimer, dans chacun de ses contenus, une identité propre et cohérente. C’est ce qui transforme un flux de publications en un récit unique, une présence en une voix. Et cette singularité produit deux bénéfices essentiels : la visibilité et la notoriété, en captant l’attention dans un univers saturé ; mais aussi la préférence de marque, en suscitant l’adhésion et l’attractivité. 

Pour gagner la bataille de l’attention, il devient donc indispensable de formaliser sa singularité éditoriale. Celle-ci ne se décrète pas, elle se construit et s’incarne à travers plusieurs leviers concrets :

    •    Une ligne éditoriale claire : définir des thématiques, choisir des angles, hiérarchiser les messages clés.
    •    Un positionnement assumé : exprimer une vision singulière, au-delà des produits et services vendus. Patagonia, par exemple, ne se contente pas de vendre des vêtements outdoor, elle milite pour la protection de la planète, et cela transpire dans tous ses contenus.
    •    Une promesse explicite : donner à chaque contenu une finalité (expertise, émotion, utilité). Un contenu sans promesse n’est qu’un remplissage de calendrier éditorial. La singularité éditoriale invite chaque marque à s'interroger sur l'adéquation entre la production réelle et la promesse éditoriale originelle.
    •    Un tone of voice identifiable : chaleureux, complice, expert, institutionnel… L’essentiel est d’avoir une voix reconnaissable. Netflix, par exemple, a bâti un ton décalé et conversationnel qui est devenu un marqueur fort de son identité.
    •    Une identité graphique distinctive : la singularité éditoriale s’exprime aussi dans la forme. Elle passe par une cohérence visuelle forte et immédiatement reconnaissable, mais aussi par l’audace de formats innovants. Qu’il s’agisse d’un carrousel Instagram, d’un podcast ou d’un rapport annuel interactif, chaque choix créatif contribue à renforcer la mémorisation et l’attractivité de la marque.

Un actif stratégique mesurable

Et la bonne nouvelle, c’est que cette fameuse singularité éditoriale n’est pas une lubie de communicant, mais un levier de performance pour les entreprises. Kantar, dans son rapport BrandZ (2023–2025), a montré que les marques perçues comme “meaningfully different”, c’est-à-dire utiles, distinctives et cohérentes dans leur expression, sont deux fois plus susceptibles de croître qu’une marque moyenne.
La capacité à formaliser cette différence dans le discours éditorial devient donc un facteur clé de croissance.

En définitive, trop de marques confondent encore visibilité et singularité. Elles remplissent les fils d’actualité, publient sans relâche, mais laissent rarement une empreinte. La surproduction ne crée pas de préférence : elle dilue les messages dans la cacophonie générale.

À l’inverse, les marques qui choisissent de parler juste et différemment bâtissent autre chose qu’un simple reach. Elles suscitent de l’adhésion et installent une préférence durable chez leurs audiences. Le véritable enjeu n’est donc pas la quantité, mais la capacité à imprimer sa différence. 
 

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