

Par Élodie Seghers, directrice du pôle éditorial (Ultramedia)
L'IA générative a fait irruption dans notre quotidien. Elle fascine, elle interroge, elle inquiète aussi, tant elle impacte profondément nos métiers de producteurs de contenus. Voici plusieurs mois que nous testons au sein de l’agence différentes applications d’IA générative. Analyse de briefs, traduction de documents techniques, élaboration de calendriers éditoriaux, et bien sûr, rédaction de contenus. Après les premiers tâtonnements, la fascination des débuts… et les premières déconvenues - quels enseignements en avons-nous tiré ? Retour d’expérience en mode Vrai / Faux
1. On peut faire confiance à l’IA
FAUX
D’abord parce que l’IA générative ne délivre pas la vérité, ni une information exacte. Elle se contente de délivrer l’information qui, mot après mot, est statistiquement la plus probable. Et même en le sachant, face à des résultats à première vue bien léchés et mêmes sourcés (à condition de le lui avoir demandé), la tentation est grande de prendre ses réponses pour argent comptant. Erreur ! Car si elle peut donner l’illusion de la précision et de l’exactitude, en réalité, elle “bricole” à partir de masses de données. C’est aussi compter sans les mauvaises interprétations ou les fameuses hallucinations qui la conduisent parfois à prendre à notre insu quelques libertés par rapport à un prompt initial qui nous semblait pourtant bien ficelé. Le premier enseignement à tirer de ces multiples expériences est donc vigilance et contrôle des sources.
2. L’IA fait gagner du temps
VRAI… mais seulement après une phase d’apprivoisement.
L’IA se montre obéissante, rapide et le résultat fourni est le plus souvent bien structuré… dans la forme. Pour obtenir du fond pertinent, cela demande d’investir du temps : pour apprendre à la guider, recadrer ses sorties de route en affinant ses prompts, ou au contraire lui demander de prendre des chemins de traverse pour faire émerger de nouvelles idées, et surtout, comprendre ses limites. Alors, et seulement alors, l’IA s’avère très utile pour compléter un tableau de bord éditorial, transformer des feuilles d’angle en premiers jets d’articles. Mais ici encore, cela ne suffit pas. Il faut aussi la nourrir, l’entraîner à respecter une ligne et une tonalité éditoriale donnée, afin de ne pas de se retrouver avec des contenus “propres” mais interchangeables.
3. L’IA est un super assistant
VRAI, indéniablement.
Elle produit en quelques secondes ce qui prend plusieurs heures à un humain. Elle est capable de constituer puis d’analyser en un temps record un corpus documentaire, elle peut retranscrire, synthétiser, et traduire en un clin d’œil un document, une réunion ou une interview. Elle aide aussi à structurer une idée, à tester des variations de style, à débloquer une page blanche. Mais comme tout bon assistant, elle ne remplace pas la réflexion stratégique, la hiérarchisation des messages ni la créativité éditoriale.
4. L’IA, c’est un truc de paresseux
FAUX
Et non, utiliser l’IA ne dispense pas du travail amont de réflexion, et encore moins, de celui, aval, d’affinage et de recadrage, bien au contraire. Pour obtenir des résultats réellement exploitables, il faut lui poser les bonnes questions, challenger ses réponses, trier, reformuler son prompt. Ceux qui se contentent du “premier jet” livrent du contenu générique, sans valeur et sans saveur. L’IA récompense l’exigence, pas la paresse.
5. L’IA remplace l’expertise éditoriale
FAUX
Certes, l’IA sait produire rapidement quantité de contenus homogènes. Mais elle ne sait pas :
• définir une tonalité qui vous ressemble et ne ressemble qu’à vous ;
• comprendre finement les attentes de vos audiences ;
• concevoir un écosystème éditorial pertinent et définir des lignes éditoriales distinctives qui rendront chacun de vos supports efficace et attractif ;
• animer un comité éditorial et inventer des formats originaux et adaptés.
L’expertise éditoriale, c’est la garantie de produire moins mais mieux, dans un environnement saturé d’informations. C’est elle qui assure votre singularité éditoriale et vous permettra réellement d’émerger et de créer du lien avec vos audiences.
Alors oui, l’IA est un formidable levier… à condition d’être pilotée par une expertise éditoriale. L’IA produit. L’expertise éditoriale donne du sens. Sans pilotage humain exigeant, le contenu reste générique, et finira noyé dans la masse. Avec lui, il devient singulier. Et ça tombe bien, c’est justement notre spécialité !