Par Thomas Nardone, Directeur associé (Ultramedia)
Gilets jaunes, Covid-19, Ukraine, climat, inflation, énergie... Les crises se multiplient, charriant avec elles leurs lots de fausses informations. Si la propagation de rumeurs a de tout temps été une arme de déstabilisation de l’adversaire, elle a pris une nouvelle dimension avec l’avènement des réseaux sociaux comme source d’information.
L’ampleur du phénomène est telle que selon l’étude Wiztopic sur les « Nouveaux enjeux des communicants », un directeur de la communication sur deux considère la désinformation comme « un nouveau challenge très important ou important » en 2022. Et ils ont bien raison, car les fake news ne concernent pas uniquement la politique ou la science. Des campagnes d’intox sciemment orchestrées visent tous types d’entreprise, dans tous les secteurs : santé, banque, assurance, industrie, grande distribution, etc.
Les conséquences économiques et financières peuvent être dramatiques : perte de contrats, fuite des investisseurs, abandon de projets... Ainsi, selon les estimations de l’Université de Baltimore, les pertes boursières mondiales liées à l’impact des fake news s’élevaient à près de 39 milliards de dollars en 2019.
L’impact en termes d’image peut également être désastreux sur le long terme. Sans parler de la réputation en tant qu’employeur, alors que le recrutement et la fidélisation des talents est un enjeu stratégique.
Engager des alliés parmi ses publics
Face à la désinformation, deux options s’offrent aux communicants : faire la politique de l’autruche en espérant que la tempête médiatique ne fera pas trop de dégâts, une posture peu viable à long terme ; ou prendre les devants en développant un leadership d’influence pour s’entourer de communautés qui, le jour où votre entreprise est attaquée par des informations malveillantes, prennent la parole pour étouffer dans l’œuf les attaques.
La stratégie éditoriale d’une entreprise doit avoir cette finalité : engager des alliés, au sein des publics externes comme internes. Elle doit initier et entretenir une relation sur le long terme, favorisant le passage à l’acte quand l’entreprise est dénigrée. Car c’est bien connu : les messages portés par des individus étant jugés bien plus crédibles par les internautes que ceux partagés directement par la marque, ils auront beaucoup plus d’influence.
Comment transformer ses audiences en soutiens engagés ? En actionnant trois leviers.
Une stratégie éditoriale doit d’abord être ambitieuse. Avoir un maximum de likes ou de vues n’est pas une fin en soi. Certes, ces indicateurs imposés par les algorithmes des réseaux sociaux flattent nos égos de communicants. Et leur simplicité peut suffire à convaincre de la pertinence des snackings contents produits spécialement dans cet objectif. Même si la valeur ajoutée se révèle souvent très pauvre.
Pour engager des alliés, il faut viser plus haut, voir plus loin. La stratégie éditoriale crée de la valeur pour l’entreprise si elle aspire à de plus grandes ambitions : accompagner le changement, donner un cap, créer du lien… Cela nécessite de concevoir des contenus plus fouillés, plus longs. Mais une audience qui reste concentrée plus de 7 secondes sur un contenu est déjà dans l’engagement.
Deuxième levier : l’attractivité. Pour être reconnu, encore faut-il se faire remarquer. Or les discours corporate se ressemblent trop souvent, comme si toutes les entreprises avaient la même histoire, la même culture, les mêmes valeurs. Bref, la même personnalité. Pour être attractive, la stratégie éditoriale doit être différenciante, en valorisant tous les attributs qui font la singularité d’une marque. Au même titre que l’identité graphique, l’identité éditoriale d’une entreprise – à savoir ses terrains d’expression, son champ lexical, sa tonalité – est le supplément d’âme qui crée de l’engagement.
Enfin, le troisième levier est l’authenticité. Si la transparence est un leurre, l’entreprise doit faire preuve de sincérité. Un discours basé sur la preuve est une condition indispensable pour (re)gagner la confiance de ses publics : clients, partenaires, investisseurs, collaborateurs. Reconnaître les difficultés traversées et ses erreurs dans un monde en constante évolution, afficher les progrès restant à accomplir sur le vaste champ de la responsabilité sociétale et environnementale, donner la parole à l’ensemble de ses parties prenantes… Une stratégie éditoriale franche et honnête génère plus d’attachement qu’un discours artificiel de façade qui ne dupe plus personne. Et nul doute que cette authenticité ne sera pas oubliée quand vous aurez besoin d’alliés pour vous défendre.